Les Zodiaques de Jean Richer

© Henri Pornon

Les zodiaques de Jean Richer

Dans ses deux ouvrages "Géographie sacrée du monde grec" et "Géographie sacrée dans le monde romain" (dont on ne saurait trop conseiller la lecture car cette page ne peut que donner un aperçu de la richesse de leur contenu), Jean Richer développe une réflexion très originale en analysant diverses sources documentaires :

  • les textes des auteurs anciens grecs et romains, qui évoquent en particulier les mythes de fondation des villes, en lien avec la mythologie des Panthéons grecs et romains;
  • l'iconographie présente sur les temples (décors, métopes et autres bas reliefs, statues des dieux et leurs attributs), mais aussi sur les pièces de monnaie : les symboles font référence à des divinités elles-même associées à des signes du zodiaque ou directement, à ces signes.
  • la localisation des villes et des temples dédiés aux dieux et héros grecs et romains et orientation de ces temples (parfois anormale par rapport aux usages)
  • le zodiaque, tel qu'il était utilisé à l'époque : les signes ne sont pas tout à fait identiques. Il prend d'ailleurs en considération le phénomène de précession des équinoxes, car les orientations des signes se déplacent dans le temps : nous quittons en ce moment l'ère des Poissons pour entrer dans l'ère du Verseau, mais la plupart des événements de la Grèce antique se situent dans l'ère du Bélier, voire celle du Taureau pour certains éléments de mythologie.

 

Du point de vue de la géographie sacrée, le résultat de ces investigations comporte plusieurs volets cohérents entre eux :

  • la cohérence des textes, mythes, éléments iconographiques, localisations et orientations est mise en évidence par l'identification de 8 roues zodiacales, respectivement centrées sur Ammonion (Egypte ancienne), Athènes, Delphes, Délos, Sardes (dans l'actuelle actuelle Turquie) pour le monde grec, et Cumes, Rome et Tolède dans le monde romain. Il est d'ailleurs possible d'imaginer la présence d'autres roues zodiacales non identifiées, Jean Richer en esquisse quelques autres.  Je présente ces zodiaques dans les deux cartes interactives établies à partir des indications et cartes de l'auteur.
  • 4 de ces roues zodiacales sont en relation géométriques les unes avec les autres : Delphes et Sardes sont alignés sur le même parallèle, et Délos, le temple de Lycosure et le temple d'Apollon à Didymes sont également sur un même parallèle.
1er point Temple d'Apollon à Delphes Temple Despina à Lycosure Temple d'Apollon à Didyme
Latitude 38,482283 37,389607 37,384882
2ème point Sardes Temple des Délias à Délos Temple des Délias à Délos
Latitude 38,493344 37,40038 37,40038
Distance 485 km 285 km 175 km
Ecart Latitude (°) 0,011061 0,010773 0,015498
Ecart distance (km) 1,23 1,20 1,72
  • Ammonion et Délos sont également alignés avec le Mont Hoemus en Bulgarie, quasiment sur le même méridien (les 3 points sont alignés, mais sur un arc faisant un angle de 2° environ avec le méridien). Jean Richer mentionne d'autres alignements similaires qu'on retrouvera en se reportant à ses ouvrages.
1er point Mont Hoemus Temple d'Amon à Ammonium     Latitude Longitude Azimuth
Longitude 25,072378 25,545044 Mont Hoemus 42,750447 25,072378  
2ème point Temple des Délias à Délos Temple des Délias à Délos Temple Délos 37,400380 25,266953 -2,08
Longitude 25,266953 25,266953 Temple Amon 29,201474 25,545044 -1,94
Distance 600 km 900 km  
Ecart Longitude (°) 0,194575 0,278091
Ecart distance (km) 21,63 30,92
  • Pour ces mêmes 4 roues zodiacales, on remarquera que Ammonion / Delphes / Sardes et Délos / Delphes / Sardes forment deux triangles isocèles imbriqués. Deux autres triangles isocèles sont identifiés entre Delphes Délos et le Cap Ténare d'une part, Sardes, Délos et Camiros d'autre part
  • On remarquera aussi que ces 4 roues zodiacales partagent certains axes : Délos et Ammonion partagent l'axe solsticial Cancer-Capricorne, Délos et Delphes partagent l'axe Poissons-Vierge (lui même très voisin, voire confondu avec la ligne Apollon-Athéna décrite dans une autre page), Délos et Sardes partagent l'axe Taureau-Scorpion et enfin, Delphes et Sardes partagent l'axe équinoxial Bélier-Balance.
  • Trois triangles équilatéraux sont également identifiés autour d'Athènes et du Lion de Ioulis
Artemision Argos Platanistos
Delphes Athènes Tégée
Pagasae Lion de Ioulis

Embouchure de l'Alphée

  • Bien entendu, tous les lieux évoqués font référence, soit à un temple (souvent, mais pas exclusivement dédié à Apollon), soit au déroulement d'un épisode mythique de l'histoire de la Grèce et de ses dieux.

 

Cette cohérence des zodiaques avec l'iconographie et les mythes, qu'on ne pourra vérifier sans lire l'un des ouvrages de Jean Richer est déjà surprenante, comme la précision des figures géométriques et alignements, qui manifestement ne sont pas le fait du hasard. Tous les textes évoquent des interactions entre les dieux antiques, qui expriment leur volonté par la voix des oracles et des pythies en particulier, et les hommes qui exécutent ces volontés en construisant des lieux de culte et en mettant en place des rites autour de ces temples.  La question est donc de savoir comment les grecs ont pu implanter des lieux avec des alignements aussi précis. D'Hollander, dans son ouvrage "Sciences géographiques dans l'antiquité" précise que les pyramides de Gizeh sont orientées à 4mn près (0,07°) : les grecs ayant hérité de nombreux savoirs des égyptiens ont pu ainsi maîtriser des techniques permettant de définir des orientations angulaires, mais il reste à imaginer la façon d'implanter des alignements de plusieurs centaines de kilomètres, parfois d'une île à une autre.  Ce point reste à approfondir.

 

Références bibliographiques :

  • Jean RICHER; Géographie sacrée dans le monde romain; 1985; Guy Trédaniel
  • Jean RICHER; Géographie sacrée du monde grec; 1994; Guy Trédaniel
  • Jean RICHER; Delphes, Délos et Cumes: Les lieux et les dieux; 2008; Edition Le Libraire
  • Marie DELCOURT; Les grands sanctuaires de la Grèce; 1947; Presses Universitaires de France
  • Annick FENET; Les dieux olympiens et la mer; 2016; Publication de l'Ecole Française de Rome
  • Raymond d'HOLLANDER;Sciences géographiques dans l'antiquité;2002;AFT / ENSG-IGN