Géographie sacrée d'Alain Balasse

© Henri Pornon

La Géographie Sacrée d'Alain Balasse

J’ai lu avec attention et étudié l’ouvrage d’Alain Balasse, « Géographie sacrée des Bâtisseurs », publié en 2017 par les éditions du Cosmogone à Lyon. Il identifie des figures de géographie sacrée dans plusieurs régions de France, et j’ai donc passé en revue ces études, les géolocalisations de sites et les figures obtenues. 

La Grande Ourse normande d’Arsène Lupin
 

 Alain Balasse propose pour commencer un tracé de la Grande Ourse normande (en violet) un peu différent de ceux que nous avons déjà étudiés, qu’il tire du roman « la Comtesse de Cagliostro », première aventure d’Arsène Lupin publiée par Maurice Leblanc. On remarquera qu’elle subit une rotation de 180 ° par rapport à celle déjà présentée par ailleurs (en pointillé noir), et, malgré la cohérence résultant du fait qu’elle ne connecte que des abbayes normandes, on peut également se demander si une figure évitant Jumièges, mais allant jusqu’à Rouen ne serait pas plus crédible. A chacun de se faire son idée.

Aurea Vallis / Orval
 

 L’auteur identifie en premier lieu deux triangles isocèles formés, l’un par 3 sites ayant le même toponyme Orval (« Aurea Vallis ») situés respectivement à Orval sur Sienne (Manche), à l’Abbaye d’Orval en Wallonie et à Orval dans le Berry, puis un autre triangle isocèle formé par les deux premiers points Orval et la basilique de Paray-le-Monial (lieu dont le surnom est le Val d’Or) . Il identifie ensuite plusieurs cathédrales ou sites religieux sur les côtés de ces triangles, ce qui ne peut pas surprendre celui qui a constaté que quand on trace un trait entre deux points éloignés sur le globe, ils passent toujours à proximité de quelques sites religieux (en France, des églises, ailleurs, des mosquées ou des temples). Il n’y a rien d’exceptionnel à trouver quelques grandes églises le long de ces axes. L’auteur décale ensuite l’axe Paray-le-Monial / Abbaye d’Orval de façon à remplacer Paray-le-Monial par Jaligny sur Besbre, petit village du Bourbonnais qui ne présente aucune particularité, mais lui permet de dessiner un carré reliant Château-Chinon, Blois, Beauvais et un quatrième point quelconque, mais passant par Châlons en Champagne. On aura compris que cette nouvelle figure est de mon point de vue aussi peu convaincante que les précédentes. 


L’auteur identifie enfin un cercle passant par Limoges, Nantes, Saint-Malo, Cherbourg, Dunkerque, Dinant, Verdun, Citeaux et Paray-le-Monial. Il n’a d’ailleurs pas repéré que le centre de ce cercle, dont le rayon est supérieur à 250 km, est situé à 20km de Chartres. Je suis pour ma part convaincu que c’est la densité de sites religieux qui permet d’identifier par hasard des figures similaires, car ces sites n’ont pas tous un intérêt majeur du point de vue sacré : c’est le cas pour Limoges, Citeaux, Paray-le-Monial, peut-être Nantes, mais cela semble moins évident pour les autres figures. 

Cartographie : contributeurs d'OpenStreetMap

Montségur et la Constellation du Bouvier
 

Cette étude me semble plus convaincante que les deux précédentes : l’auteur établit un parallèle entre trois figures géométriques : d’une part, la constellation du Bouvier, d’autre part, la forme de la forteresse de Montségur dans l’Ariège (qui doit subir une rotation autour d’un axe vertical pour qu’on retrouve la forme de la constellation), enfin, une figure formée par 5 communes du nom de MONSEGUR ou MONTSEGUR et par la forteresse cathare. Le résultat est troublant, d’autant qu’il n’existe pas tant de lieux-dits Monségur ou Montségur en France : en recherchant sur le Géoportail IGN, je n’ai pas trouvé d’autres communes portant ce nom et je n’ai trouvé que 5 lieux-dit, que j’ai d’ailleurs reporté (en vert) sur la carte, qui sont tous situés à proximité de la figure, mais n’apportent rien de plus. 


Alain Balasse identifie également un cercle dont le centre est l’abbaye de Montsalvy (il estime que ce toponyme a un lien avec Monségur) et passant par les Mon(t)ségur de la Drôme, de la Gironde et par la Chapelle Saint-Salvayre (Saint-Sauveur), mais cette figure est moins convaincante.

Source : International Astronomical Union (IAU)

Cartographie : contributeurs d'OpenStreetMap

Cartographie : contributeurs d'OpenStreetMap

La Théopolis provençale
 

La Théopolis (la Cité de Dieu décrite par Saint-Augustin) serait-elle située en Provence ? L’auteur identifie deux communes du nom de Villedieu (l’une dans le Vaucluse, l’autre dans les Alpes de Haute Provence), et reprend à son compte l’appellation de Théopolis donnée à la commune de Saint-Geniez (Alpes de Haute Provence) où se situe la Chapelle de Dromon. C’est en effet un préfet du nom de Claudius Posthumus Dardanus qui fonda une retraite appelée Théopolis, au début du Vème siècle après sa conversion au christianisme. Certains pensent que le Rocher de Dromon est le lieu de cette retraite. A partir de ces trois points, l'auteur construit un triangle isocèle, dont la base du petit côté arrive au Rocher des Pénitents des Mées, puis un pentagone régulier dont les deux autres sommets ne sont pas identifiés, mais dont l’un des deux est situé sur une droite reliant Istres, et le Col de l’Iseran (droite rouge sur la carte) et passant par la tour de Saint-Christol supposée être un reste de Commanderie templière. Deux interrogations sur cette figure : d’une part, je n’ai pas trouvé de traces d’une présence templière à Saint-Christol, d’autre part, quand on trace une droite entre Istres et l’Iseran (qui seraient deux toponymes associés à la déesse Isis pour l’auteur, mais dont le lien avec les toponymes Villedieu ne semble pas évident), elle passe à proximité de Saint-Christol, mais un peu loin du sommet du pentagone régulier. En revanche, quand on cherche des lieux sacrés à proximité des deux sommets non identifiés par l’auteur, on trouve, d’une part, l’église de Valdrôme dans la Drôme, d’autre part, l’église Saint-Sébastien de Goult dans le Vaucluse. Il semble donc que la cohérence de la figure n’est pas forcément là où l’identifie l’auteur. J’ai également vérifié la position du centre du pentagone, mais il ne correspond à aucun point d’intérêt particulier. En revanche, l’auteur a identifié qu’une des bissectrices rejoint le Rocher des Pénitents aux Mées, mais si on trace les 4 autres bissectrices du pentagone, deux rejoignent des lieux sacrés, la Chapelle Saint-Julien de Montréal les Sources (Drôme) et l’église Saint-Nazaire et Saint-Celse de Mazan dans le Vaucluse. Les deux autres rejoignent deux sommets, le Coteau de la Combre dans le Vaucluse et la Montagne de Saint-Genis dans les Hautes-Alpes, qui ne présentent pas le même intérêt. En conclusion, si on va au-delà de la logique de l’auteur, on obtient une figure géométriquement très cohérente, mais donc la cohérence spirituelle reste à définir. 

Cartographie : contributeurs d'OpenStreetMap

Un Arbre de Vie Kabbalistique en Provence
 

 Une autre figure tout à fait discutable est l’Arbre de Vie Kabbalistique  identifié par l’auteur en Provence. D’une part, le point de Taulignan déforme nettement la figure, qu’il s’agisse du Monastère de Dominicaines évoqué par l’auteur ou de l’église paroissiale Saint-Vincent : d’un point de vue strictement géographique, l’église de Salles-sous-Bois était plus proche de la figure. Le hameau du Monestier, dans lequel était situé le prieuré fondé au VIIème siècle à Saint-Ferréol Trente Pas, est également très décalé. D’autre part, le hameau de Font de Barral (qui correspond à la Séphira cachée) et le Col de la Croix ne présentent aucun intérêt particulier du point de vue sacré. Enfin, l’auteur évoque deux lieux-dits nommés « le Temple » et « le Plan de Dieu », situés au nord de la figure et qui sont associés à l’Aïn Soph, mais je n’ai pas réussi à les identifier. L’IGN mentionne un toponyme « Le Plan de Dieu » dans le Vaucluse, à cheval sur les communes de Travaillan et Viollès, à proximité de Gigondas, mais aucun dans la Drôme. 

Cartographie : contributeurs d'OpenStreetMap

Source : Wikipedia

Le quadrilatère et l’heptagone du Verdon
 

La dernière figure que nous allons étudier est un rectangle reproduisant les proportions du quadrilatère solsticial à la latitude du Verdon . Trois des sommets de ce rectangle correspondent aux communes de Castellane, Moustiers Sainte-Marie et Comps sur Artuby, et l’auteur identifie pour quatrième point l’un des deux hameaux de Saint-Andrieux sur la commune de Bauduen. La cartographie de la figure nous donne un quadrilatère très éloigné du rectangle et on peut constater qu’un autre hameau de Bauduen, Bounas, est mieux positionné sur le rectangle. L’auteur en déduit par diverses constructions géométriques un heptagone qui ne s’appuie sur aucun point particulier, mais est supposé faire un lien avec le Graal et les templiers. 

Cartographie : contributeurs d'OpenStreetMap